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Préfixes et dérivés

2023 - Installation

Le Houloc

La rencontre ou plutôt les retrouvailles avec le site des Tourbières dans le Doux, il y a un an, a constitué le point de départ pour les œuvres de l’exposition Préfixes et dérivés.
Les Tourbières se distinguent par leur calme et leurs lumières douces. Ses paysages aux couleurs rougeâtres évoquent des contrées lointaines, la toundra nordique.
Cette zone humide, classée Réserve Naturel, correspond à nos enjeux écologiques actuels : c’est un capteur important de gaz à effets de serres, elle est reconnue pour son écosystème et sa biodiversité.
Par ailleurs, les Tourbières ont non seulement une histoire naturelle de plusieurs millénaires, mais aussi une histoire de leur exploitation en tant que terre combustible. Le sol marécageux, noir, est encore par endroit sillonné de canaux et de tranchées, trace de l’extraction
passée de la tourbe, un combustible fossile. Ces canaux offrent un miroir d’eau parfois d’une grande netteté créant des symétries dans le paysage.
Les étendues semblent vastes, à perte de vue. Ce n’est cependant qu’illusion, car ici, la végétation, contrainte par une terre acide, pousse à mi-hauteur et donne cette sensation de profondeur.
Dans cet espace naturel, sont ainsi entrelacée une histoire naturelle, associée à la technique humaine. On peut y relever la création d’un cycle de passages entre l’eau, l’air, la terre et le feu qui fut exploité dans le passé par l’Homme.
À travers les illusions visuelles d’espace et de profondeur, ce lieu nous révèle notre propre subjectivité.

 

La captation photographique met en jeu l’expérience du corps et du regard. Elle garde trace d’une part, mais elle cherche aussi, à travers l’image, les indices pour dire le lieu : l’espace, les constructions, les équilibres, les enjeux perçus dans un dialogue sensible. L’image photographique devient ensuite une matière extraite, un outil pour redire le lieu, en pointer les spécificités.
 

Préfixes et dérivés aborde à travers les captations des Tourbières, la question de l’origine des interactions entre l’être et la nature. Elle confronte dans l’espace les formes dites « premières » issues d’un monde ordonné par l’humain et celles brutes offertes par le paysage naturel.
Comme des données interchangeables, ces deux familles, distinctes et distinguées, mais aussi mises en confrontation par notre culture européenne, dialoguent et se répondent prouvant ainsi l’interconnexion constante entre elles.
Le préfixe est une courte unité textuelle chargée d’un sens, qui ne peut exister que par association avec un autre mot dont il redéfinit alors le sens.
Le préfixe « éco », signifie « habiter, demeurer ». Au regard de sa signification, nous comprenons la portée des mots les plus courants qui en dérivent : économie (l’administration de la maison) et écologie (la science de l’habitat).
Par rapport aux problématiques actuelles qu’est l’obsolescence annoncée de notre environnement, mis
en péril par notre mode de vie, « éco » en tant que signifiant « habiter » établit le lien et démontre la problématique commune de ces deux termes qui semblaient initialement s’opposer.
Préfixes et dérivés crée un espace où se définit et se redéfinit l’un par l’autre la question de l’origine entre l’homme, porteur de sciences et de techniques, et la nature. De manière sensible, les formes capturées sur le site des Tourbières et les sculptures qui les accompagnent se répondent par un lien invisible.
C’est cette méditation de l’humain face à la nature, l’être, en constante interaction avec elle, y puise depuis des millénaires son inspiration et des solutions pour l’habiter.
Si les romantiques voyaient dans la nature le reflet de leur humeur, nous pouvons étendre ce domaine à la science et à la technique : source d’inspiration pour habiter l’espace.
Comme dans toute relation, cela n’exclut pas la possibilité d’une destruction. Préfixes et dérivés tente ainsi de revenir au coeur de cet échange afin d’en saisir l’essence et de mieux en redéfinir les perspectives.
L’être, part de la nature, et, la regardant, est riche des fonctionnements de cet environnement qu’il a intégré. Face à la nature, il se rencontre lui-même. Il y trouve son propre « écho ».
Dans le mythe d’Écho et de Narcisse, Narcisse se livre ainsi avant de mourir « L’objet de mon désir est en moi : ma richesse est aussi mon manque. »
Dans le manque, il y a la question du désir. Dans Préfixes et dérivés, le paysage des Tourbières incite à la méditation, il invite à nous interroger sur l’espace que l’on regarde, où l’on se situe, ce qui nous ai donné pour mieux y demeurer.

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